Marquise en vue ...

Un convoi discret mais bien fourni, qui mélangeait les couleurs des Riddermark à celles de la famille Sparte, avait passé les portes de Laviron. Le voyage s’était écoulé dans le silence, dans le vent qui soufflait sur les voilages du carrosse. Quelques regards échangés avec sa dame de compagnie, et la Riddermark commençait à apprécier la fin du trajet.
On l’avait guidé vers le château et ce fut donc dans la cour que la Marquise de Salins-les-Bains posa son pied gracile. Réflexe orgueilleux, la main en appui sur celle de son cocher, la jeune femme descendit les marches qui la conduisaient à terre. Elle lança à la ronde un léger regard, alors que, malgré elle, un sobre sourire venait saluer la bâtisse qui l’avait déjà accueillie quelques temps plus tôt. Une éternité plus tôt. Une éternité qui l’avait changée.
Elle était alors venue pour Loola, lorsque cette dernière l'y avait invitée juste après son ennoblissement au titre de Baronne.
Non : elle ne se sentait pas vraiment étrangère, en ces lieux. Et le fait d’avoir été sollicitée pour une cérémonie d'ennoblissement lui avait paru naturel. Elle ne s’en trouvait pas même intimidée, alors qu’elle aurait pu.

La jeune femme fit quelques pas en avant, le port fier et la démarche aérienne qui, néanmoins, ne parvenaient pas à estomper cette lueur amère au fond de ses yeux, ni cette impression d’égarement, d’absence, qu’inspirait ce même regard. Elle s’arrêta : il faudra que ce soit les gardes qui s’amènent à sa hauteur, désormais. Elle n’avait pas l’intention d’aller plus loin, ni même d’élever la voix.

Les roues d'une voiture attellée firent légérement crisser les gravillons devant l'entrée. Les armes peintes avec soin lui étaient familières, bien que différentes. Elle avait encore changé de titre!! Bigre bois, ce serait bientot un puzzle entier a lire son armoirie!!!
Le garde allait s'élancer pour une fois accueillir la visiteuse. Craignant une nouvelle bourde, la vicomtesse pas chichiteuse pour un sou, le retint par la manche et sortit elle meme accueillir le heraut. Parce que ne l'oublions pas, c'etait le heraut qui entrait ce jour en Laviron, pas la dame pour qui il fallait une reanimation respiratoire quand on avait fini de donner ses titres.
Peu encline aux ronds de jambes, elle fit malgré tout un petite révérence pour saluer la dame qui descendait si.majestueusement du carosse, et puis l'embrassa chaleureusement .

Merci d'etre venue, merci de m'éviter un calvaire. Par contre je ne peux pas faire grand chose pour celui qui sera bientot le tien.

Les cailloux roulaient sous ses pieds, chaussés de cuirs, produisant un chant qui leur était propre. De même que le doux bruissement du tissu en mouvement et dans lequel le vent s’engouffrait avec force. Les lèvres vermillon s’entrouvraient régulièrement pour laisser passer une note cristalline. La Marquise, le sourire présent, ses cheveux blonds relevés sur sa nuque en un simple chignon. Vêtue d’une robe aux couleurs bleutées, Erine avançait le pas souple, portant un pan de sa robe dans sa main sénestre. Son pas souple, glissant sur les cailloux, l’avait rapidement mené face à la maistresse des lieux.

La Vicomtesse, elle-même ? Le fait qu’on ait pris cette peine pour l’accueillir lui arracha un sourire satisfait. On aurait très bien pu lui envoyer un garde rustaud et elle n’aurait sans doute pas aimé la façon dont il lui aurait parlé. Mais bon, elle était tout de même chez son vassal et son épouse. Peut-être ces derniers accueillaient-ils mieux leurs invités que les autres… Qu’importe, la Vicomtesse était là en personne, et cela comblait toutes ses attentes.

Le Bon Jour, chère amie. Articula-t-elle et s'en suivit les embrassades chaleureuses avant de reprendre sur la raison qui menait le Diable de Salins en ces lieux.

N'ayez crainte ! Les yeux clairs d'Erine s’animèrent un peu, une petite lueur amusée y vit le jour. Ce n'est pas avec un caractère comme le mien que quiconque arrivera à prendre le dessus sur les positions que j'ai entreprises pour votre cérémonie. Et je n'aurais manqué cette cérémonie pour rien au monde, ma chère. Ponctua-t-elle.